1700 ans après Nicée: à quoi ressemblerait un Concile au 21e siècle?

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Pr Benjamin Simon, lors de son intervention du 19 mars 2025 à Lausanne | © CTEC Suisse

Cette année, le Concile de Nicée qui célèbre ses 1700 ans, est au cœur de l’attention de nombreuses Églises. Il en va ainsi de la Communauté des Églises chrétiennes dans le canton de Vaud qui organisait une journée d’étude consacrée au Concile le 19 mars dernier, à laquelle a participé une soixantaine de personnes. Le directeur de la formation de l’Institut œcuménique de Bossey, Benjamin Simon, s’est demandé quel serait le thème d’un concile œcuménique aujourd’hui. Compte-rendu.

Si le Concile de Nicée est surtout connu pour avoir précisé les affirmations christologiques du credo, il a aussi traité de nombreuses autres questions concernant la vie de l’Église, la liturgie et l’éthique sociale. Il y a 1700 ans, plusieurs thèmes étaient donc à l’ordre du jour et il en serait probablement de même aujourd’hui. Une chose est certaine : le concile ne serait certainement pas réuni par une autorité étatique comme ce fut le cas pour celui de Nicée, convoqué par l’empereur Constantin qui considérait que la religion serait un facteur d’unité et de paix dans son empire et qu’elle lui permettrait d’asseoir son pouvoir. Pour la chrétienté, l’idée d’unité n’a évidemment pas la même signification que pour Constantin : il s’agit d’unir la famille chrétienne au-delà des frontières des États, selon le désir du Christ : « pour que le monde croie ». Au XXIe siècle, ce serait donc aux Églises de s’organiser et de fixer l’agenda d’un concile.

Qui invite ?
Le Conseil œcuménique des Églises est la plus grande plateforme qui réunisse au plan mondial les Églises dans leur diversité. Il se conçoit comme une plateforme de dialogue et c’est donc à lui que reviendrait la tâche de réunir un concile. La diversité serait plus grande, à Nicée il n’y avait que des hommes, époque oblige ! La théologie d’un « ConcileXXI » devrait être prophétique, comme le sont les prophètes de l’Ancien Testament, en désignant les domaines où des changements sont nécessaire vers plus de justice sociale.

Avec quel agenda ?
De nouvelles thématiques ont émergé au cours des années passées, comme l’intelligence artificielle ou les théologies « trompeuses » (en anglais : misleading) : nouveau messianisme, Évangile de la prospérité, très populaire dans certains pays d’Afrique ou d’Amérique Latine. D’autres sujets devraient aussi figurer à l’ordre du jour d’un « ConcileXXI » :

la décolonisation : on observe encore trop de séparations ethniques au sein des communautés. Pensons ici à la place accordée aux Églises dites de la migration, célébrant leur culte le même jour mais à d’autres endroits que leurs communautés sœurs locales ;

l’œcuménisme polycentrique : le christianisme du XXIe siècle n’a pas un centre unique. La spiritualité prend des formes très différente, même au sein d’une même confession. Cela exige de nouvelles approches pour développer le respect et l’empathie dans un monde global.

Les théologies contextuelles ont toute leur raison d’être car une théologie qui ne tienne pas compte du contexte est superflue. La théologie interculturelle aide à renégocier les contenus de la pratique et de l’enseignement chrétiens, entre universalité et particularité. Il faut lui accorder d’importance dans la formation théologique, car dans le monde actuel, chacune et chacun est confronté en permanence à la diversité chrétienne et religieuse.

« broadening the table »  ou l’intégration de communautés, d’Églises absentes des plateformes œcuméniques. C’est la mission du Forum chrétien mondial qui interroge « qui manque à la table » mais aussi de Foi et Constitution ;

la question de la « paix juste » : la paix est beaucoup plus que l’absence de guerre. La paix « juste » intègre la paix avec la Création (Jean 10,10), la paix dans l’économie pour que chacune et chacun puisse mener une vie dans la dignité (Psaume 24,1) et la paix entre les Nations, en préservant la vie humaine (Ésaïe 2,1-4). Actuellement, le monde entier se lance dans une course à l’armement. Peut-on résoudre les conflits sans faire la guerre ? Quel rôle les Églises peuvent-elles jouer ?

Conclusion
Lors d’un « Concile XXI » comme à Nicée, il est fort probable que les avis divergent, que des positions contradictoires soient défendues devant l’assemblée. Espérons toutefois que personne ne soit plus qualifié d’hérétique, voire excommunié ! Une thématique traitée il y a 1700 ans devrait absolument revenir à l’ordre du jour : une date commune pour Pâques.

Conférence du Prof. Benjamin Simon, compte-rendu : Anne Durrer, CTEC Suisse

Benjamin Simon, Institut de Bossey
Théologien et pasteur protestant allemand, Benjamin Simon travaille pour le Conseil œcuménique des Églises depuis septembre 2016. Il est enseignant et doyen à l’Institut œcuménique de Bossey, ainsi que directeur de la formation au COE. Membre du COE et rattaché à l’Université de Genève, l’Institut œcuménique de Bossey, près de Genève, propose trois programmes d’études. Une trentaine d’étudiants du monde entier y suit une formation postgrade.

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