Date commune pour Pâques: réflexion du secrétaire général du COE

24. février 2025
International
Le révérend Jerry Pillay, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises | © Albin Hillert, WCC

Interview du Révérend Jerry Pillay, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE)

Les responsables chrétiens s’engagent sérieusement à trouver une date commune pour la célébration de Pâques. Quels sont les principaux obstacles ?
Révérend JerryPillay : C’est avec reconnaissance et grande joie que nous avons entendu les voix des responsables d’Église et des théologien-ne-s appeler à une date commune pour Pâques en signe de l’unité chrétienne. Récemment, à la fin de la 58e Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, à la Basilique St-Paul-hors-les-Murs, le pape François a appelé toutes les chrétiennes et tous les chrétiens à franchir un pas décisif vers l’unité pour une date commune pour Pâques. Sa Toute Sainteté, le patriarche œcuménique, Bartholomée, a pour sa part appelé à des discussions dynamiques sur la date commune pour Pâques. Leurs déclarations importantes sur cette question pressante ont également été entendues par d’autres responsables d’Église et théologien-ne-s. Elles ont retenu l’attention du monde entier, car elles expriment parfaitement l’idéal d’unité chrétienne au cœur de la mission du Conseil œcuménique des Églises : « que tous soient un » dans le Christ ressuscité (Jean 17;21).

Les défis et les difficultés dans notre quête d’une date commune pour Pâques peuvent être identifiés à deux niveaux au moins. Tout d’abord, depuis les premiers jours de l’Église, différentes méthodes et traditions ont été observées pour calculer la date de Pâques, et par la suite, depuis la réforme du calendrier introduite par le pape Grégoire XIII en 1582, deux calendriers différents ont coexisté, le calendrier julien et le calendrier grégorien ; en conséquence, la date de Pâques des traditions occidentales et orientales coïncide rarement. Deuxième élément, tout aussi important, les préoccupations soulevées, notamment, mais pas uniquement, par nos frères et sœurs orthodoxes doivent être prises au sérieux : nous devons veiller à ce que notre cheminement vers l’unité n’engendre pas de nouvelles divisions. Partant, il convient de ne pas penser que les voix soulignant la complexité de la définition d’une date commune négligeraient notre idéal commun ; au contraire, elles doivent être entendues, car elles expriment des inquiétudes sincères quant au fait que le cheminement vers une date commune inclut véritablement toutes les Églises et respecte vraiment leurs traditions et leur perception de cet enjeu.

Les débats sur la date commune de Pâques ne relèvent donc pas uniquement de considérations techniques sur le calcul et la définition d’une date correcte, mais touchent plutôt de nombreuses dimensions ecclésiales et pastorales.

En cas d’accord, peut-on impliquer l’Église orthodoxe de Moscou ?
Pillay : Une solution qui déboucherait sur l’exclusion d’une Église ne devrait pas nous satisfaire. Une telle issue serait l’opposé même de ce à quoi nous œuvrons et de notre idéal : le Conseil œcuménique des Églises aspire à l’unité et non à la division. Notre idéal de l’Église est inclusif. C’est justement en n’excluant personne que nous montrerons au monde « que tous sont un » et que nous lui donnerons un signe de notre unité. Par conséquent, toutes les Églises devraient être impliquées dans les échanges sur cet enjeu crucial et toutes les Églises doivent prendre part aux processus nécessaires pour obtenir un accord.

Pour beaucoup, il est difficile de comprendre la division des chrétiennes et des chrétiens sur Pâques, la célébration la plus importante de la foi chrétienne. Quel signe et quelle signification peut représenter la date commune pour le monde aujourd’hui ?
Pillay : Cette année, 2025, est l’une des rares années où les chrétiennes et les chrétiens de toutes les traditions célèbrent Pâques le même jour, le 20 avril. À cette occasion, nous devrions renouveler la quête d’une date commune pour Pâques, signe d’unité dans la foi. Une date commune pour Pâques montrerait que les chrétiennes et les chrétiens célèbrent leurs fêtes ensemble et non séparément. En outre, 2025 marque le 1700e anniversaire du Concile de Nicée. Plus d’un motif nous pousse à nous pencher de nouveau sur cette question et à explorer la contribution d’une célébration partagée à l’unité des chrétiennes et des chrétiens du monde entier dans leur foi commune en Christ ressuscité. Il est également bon de rappeler que cet idéal de date commune pour Pâques est depuis longtemps une question importante pour le COE.

En traitant cette question clé pour le mouvement œcuménique, nous entendons promouvoir la quête d’une date commune pour Pâques, signe crucial et visible de l’unité chrétienne.

En mars 1997, une consultation conjointe du Conseil œcuménique des Églises et du Conseil des Églises du Moyen-Orient à Alep, en Syrie, a débouché sur la déclaration « Vers une date commune pour Pâques. » Dans cette déclaration, les Églises du Moyen-Orient soulignent oh combien il importe à leur sens pour les Églises minoritaires dans un environnement non chrétien de célébrer Pâques le même jour. D’autres Églises ont fait observer que nous devrions également tenir compte de la situation contemporaine qui appelle à un témoignage commun de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, mystère central de la foi chrétienne. En outre, nous nous attendons à ce que la question soit examinée plus en profondeur lors de la sixième Conférence mondiale de Foi et constitution, qui se déroulera en octobre de cette année en Égypte sur le thème « Quels horizons pour l’unité visible ? » Nous espérons que les commémorations du 1700e anniversaire de Nicée permettront d’insuffler un allant pour qu’à l’avenir, toutes les chrétiennes et tous les chrétiens puissent célébrer Pâques ensemble.

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