« Le chemin vers l’unité n’est pas une balade dominicale. » (Felix Gmür)

National
© Christoph Knoch

Une table ronde regroupant les personnalités dirigeantes des Églises membres de la CTEC.CH a été organisée le cadre de son 50e anniversaire, le 17 novembre dernier à Bâle. Le sujet : la collaboration œcuménique future, l’accent portant sur la contribution des Églises à la vie de la société, donc « hors les murs ». La discussion était animée par deux pasteures méthodistes, Claudia Haslebacher (tout à gauche) et Iris Bullinger. Y participèrent (de g. à dr. sur la photo) : évêque Harald Rein, Église catholique-chrétienne de la Suisse, Mgr Felix Gmür, président de la Conférence des évêques suisses, pasteure Rita Famos, présidente de l’Église évangélique-réformée de Suisse, pasteure Rita Famos, présidente de l’Église évangélique-réformée de Suisse, évêque Andrej Ćilerdžić, Église orthodoxe serbe, Christian Kuhn, directeur du Réseau évangélique suisse et le Prof. Jörg Stolz, sociologue des religions, à titre d’expert.

De plus en plus de personnes en Suisse n’appartiennent certes pas à une Église mais n’en ont pas moins des attentes envers l’Église que résume Rita Famos : l’Église doit être engagée, authentique, œcuménique. Elle doit s’engager en faveur des personnes socialement défavorisées et prendre soin du patrimoine culturel judéo-chrétien. Pour ses membres, l’Église représente un havre spirituel qui transmet les valeurs chrétiennes, offre un accompagnement rituel, répond présent quand on en a besoin (aumônerie spécialisée), un lieu où l’on peut s’engager ponctuellement. Pour le cœur de la communauté, l’Église doit être dialogique et participative, c’est-à-dire un lieu d’engagement. Elle doit être une communauté à laquelle on puisse se fier.

« Ce qui porte atteinte à la crédibilité de l’Église, ce sont le pouvoir, l’argent et les abus, aussi envers la Création. » Felix Gmür

L’Église est en revanche crédible lorsqu’elle répond à sa mission, qui découle de l’Évangile, précise-t-il. La question des différences entre petites et grandes Églises, entre Église nationale (reconnue d’utilité publique au plan cantonal) et Église libre est dépassée selon Harald Rein. Les différences traditionnelles se sont estompées, les Églises convergent vers un centre, sur le plan théologique également. Un nouveau phénomène peut être constaté : les Églises libres veulent s’impliquer hors de leur communauté et aspirent à une reconnaissance étatique. Les missions premières de toutes les Églises sont les mêmes : le culte, l’accompagnement pastoral (aumônerie), la prédication, les attentes sont très similaires. Aujourd’hui, les Églises se focalisent de plus en plus sur ces missions. La seule différence notable concerne aujourd’hui le rapport entre distance et proximité que chaque personne entretient avec « son » Église : pour les membres d’une Église libre, la proximité va de soi, dans les autres Églises, chacun, chacune veut en décider soi-même.

« Pour déterminer ce qu’est l’Église, il faut aussi connaître l’histoire du pays. » Andrej Ćilerdžić

Andrej Ćilerdžić recommande donc d’étudier l’histoire œcuménique de la Suisse, c’est nécessaire si l’on veut être un bon évêque dans un pays réformé. L’orthodoxie est un enrichissement pour la Suisse, « nous voulons apporter notre contribution à l’intégration de nos fidèles ».

Qu’apportent donc les Églises à notre société que d’autres acteurs de la politique, de l’économie ou les clubs de loisirs ne peuvent apporter ? L’Église est le corps du Christ ; elle est porteuse de l’Évangile (la Bonne Nouvelle). Christian Kuhn constate en cette période de pandémie un besoin accru de spiritualité, de salut. Les Églises peuvent offrir le pardon et la réconciliation avec Jésus-Christ, par la force de son Esprit ; elles peuvent proposer une réponse au « pourquoi » de l’existence.

« La joie d’une victoire de son club de foot n’égalera jamais la joie de faire partie du corps du Christ. » Christian Kuhn (fan de foot)

Les Églises doivent toujours répondre de leurs actes devant Dieu, ce qui implique droiture, respect, normes éthiques et la force d’œuvrer pour la justice et la paix. Elles peuvent donner des impulsions au sein de la société, pour la société, car l’Évangile rencontre les besoins fondamentaux. L’action sociale des Églises est une contribution concrète « hors du club ». L’engagement pour la liberté religieuse peut également être noté, selon Christian Kuhn.

« La religiosité diminue en Europe. Le monde devient, lui, plus religieux. » Jörg Stolz

La transmission de la foi ne « fonctionne » plus, c’est selon l’expert un phénomène générationnel qui s’observe partout en Europe, mais aussi aux États-Unis et en Australie, dans les pays hautement industrialisés. La pauvreté et le nombre d’enfants dans les familles sont en étroite relation avec la religiosité, une relation qui garde toute sa pertinence en raison de la migration. L’œcuménisme et le dialogue interreligieux sont très importants, il faudra travailler ensemble, c’est essentiel, surtout pour les Églises de migrants. Il faut parler ensemble de démocratie, de droits humains et de paix, c’est l’une des contributions les plus importantes que l’on puisse apporter. La transmission de la foi constitue donc un enjeu de taille. Les jeunes veulent pouvoir s’implique eux-mêmes et faire part de leurs préoccupations et des thématiques qui les concernent. Les Églises doivent créer des espaces pour cela – également pour la « génération climat » – et les faire rencontrer l’Évangile. Chaque membre de l’Église est responsable de transmettre la foi, les Églises doivent sensibiliser leurs membres à ce sujet. hn souligne le rôle indispen-sable des familles. Pour les orthodoxes, la liturgie et la louange jouent un rôle essentiel, elles doivent être « bien organisées » pour que les familles y participent. Felix Gmür considère la question comme un piège, elle ne peut recevoir qu’une réponse technocratique. La mystique et la politique vont de pair. Des espaces doivent être ouverts, où l’on puisse faire l’expérience de Dieu, où l’on puisse Le chercher sans être obligé de croire à quelque chose. L’œcuménisme, « tout le monde y est favorable », constate Jörg Stolz qui observe cependant des tendances « qui vont à l’encontre de l’œcuménisme » dans toutes les traditions, un contre-mouvement. « Allons-nous de l’avant ou dans une impasse ? » se demande-t-il.

« Pas d’œcuménisme sans une approche participative. » Rita Famos

Felix Gmür rappelle l’objectif : l’unité ; il n’y a pas d’alternative, non pas parce que ce serait une mission de la société, mais parce que c’est une mission du Christ pour le monde. C’est une lutte permanente. En Suisse, il faut une dimension globale, nous ne pouvons pas arrêter de discuter et de nous énerver.

Compte-rendu : Anne Durrer, CTEC.CH

Quelle contribution sur le chemin vers l’unité ?

Église catholique romaine
Le pape, personnalité hautement visible, et son ministère pour l’unité

Réseau/Alliance évangélique
La volonté – vécue – de se « frotter » aux autres, d’apprendre les uns des autres, de se remettre en question

Église réformée
L’expérience des processus discursifs et participatifs, en tant que « sœur rebelle » qui se bat pour l’égalité et à la participation. Et : la réflexion théologique sur les questions actuelles

Église catholique-chrétienne
Montrer comment le principe de consensus de l’Église ancienne peut être utile aujourd’hui encore

Église orthodoxe serbe
Un ancrage occidental de l’orthodoxie qui permet d’apprendre à connaître la culture de l’Occident et de bâtir des ponts. Comprendre le contexte, affiner la compréhension d’autres contextes

Pour écouter la table-ronde (all./fr.)
Version à imprimer