Être chrétienne, chrétien dans une société post-ecclésiale
« Le charisme et la vitalité sont les critères décisifs pour l’ « Église 3.0 », et non la taille et l’organisation. Ce qui compte vraiment, c’est notre vocation d’êtres humains qui croient, espèrent et aiment ». C’est en ces termes que Nicole Grochowina a résumé sa vision du renouveau de l’Église. Elle s’exprimait le samedi 12 mars2022 au Dialog-Hotel Eckstein à Baar devant 120 participantes et participants issus d’une vingtaine de mouvements et communautés de toute la Suisse sur le thème « La vie chrétienne dans une société post-ecclésiale ».
L’historienne et religieuse de la communauté protestante Christusbruderschaft de Selbitz en Haute-Franconie (Est de l’Allemagne) a d’abord esquissé la situation dramatique de l’Église dans le contexte actuel. Nicole Grochowina a rappelé la pandémie qui a fortement limité la vie de l’Église, mais en même temps, de nouvelles possibilités sont apparues : les espaces numériques peuvent aussi être des espaces d’annonce dans lesquels il est bon de prier, de bénir, d’espérer et d’écouter.
L’oratrice a ensuite évoqué la grande perte de confiance qui frappe durement l’Église face à l’ampleur gigantesque des abus spirituels et sexuels « telle qu’elle se manifeste aujourd’hui crûment » n’était pas aussi évidente. De nombreuses personnes se demandent pourquoi elles devraient encore rester dans cette association et quittent en masse les deux grandes Églises.
« Ce qui compte vraiment, c’est notre vocation d’êtres humains qui croient, espèrent et aiment …
S. Nicole Grochowina
Espoir et réalisme
La voie synodale de l’Église catholique est un signe d’espoir : « Réussira-t-on à réfléchir une nouvelle fois au pouvoir et au ministère et à prendre des décisions en conséquence, des décisions qui soient au service de la vie ? Parviendra-t-on à donner aux femmes leur place dans l’Église, une place qu’elles ne devraient plus avoir aujourd’hui à quémander ? » L’espoir de Nicole Grochowina s’accompagne d’un regard réaliste sur l’Église. L’étonnement face aux premières décisions est grand et s’accompagne en même temps de la question angoissée de savoir si ces décisions seront durables, alors que la communion eucharistique dans les familles de confessions différentes n’est pas encore autorisée, même pour des raisons pastorales.
La guerre en Ukraine
La guerre actuelle au cœur de l’Europe pousse de larges parties du monde à se rapprocher, à parler et à agir d’une seule voix. Ces jours-ci, nous sommes ramenés à la prière, à notre vocation intrinsèque d’êtres humains qui croient, aiment, espèrent. L’Église 3.0 sera avant tout une Église qui prie et qui est en même temps forte sur le plan diaconal. Cette Église a des « creux et des bosses » mais n’a pas honte de sa faiblesse et de ses blessures. Elle reconnaît sa dépendance vis-à-vis du Dieu trinitaire. C’est une Église humble, qui vit précisément de ses blessures et surmonte ainsi sa faiblesse. Le Christ ressuscité s’est lui aussi montré aux disciples avec ses plaies.
La prière comme « conversation de vie avec Dieu »
Dans un monde qui change rapidement et qui pose des questions fondamentales à la foi, la clé se trouve dans la prière, dans « l’expérience du dialogue de vie avec Dieu » qui est confié à chacune et chacun. L’expérience personnelle et communautaire de la prière et de la foi revêt une grande importance. Dans la prière s’accomplit une transformation existentielle de la Parole de Dieu, qui mène ensuite à l’action utile à la vie.
« L’Église 1.0″ est née à la première Pentecôte ; la Réformation était pour ainsi dire une <mise à jour> qui a conduit à l’Église 2.0. L’Église 3.0 est appelée à nouveau à porter et à déployer de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces, l’amour de Dieu dans le monde », a déclaré Nicole Grochowina. Son exposé plein d’espérance, inspiré notamment par des dialogues avec le groupe de préparation et avec des jeunes – avec leurs expériences et leur vision de la vie chrétienne dans une société post-ecclésiale – a enthousiasmé les auditrices et les auditeurs qui l’ont remerciée par des applaudissements nourris.
Forum chrétien
Lors des échanges, des ateliers et des rencontres, les participantes et les participants ont pu faire part de leurs questions, de leurs expériences et de leurs réflexions. L’atmosphère était empreinte de joie, d’ouverture et de respect mutuel. Une petite délégation du comité d’organisation du Forum chrétien de Leysin/VD en octobre 2021, dont la secrétaire générale de la CTEC Suisse a eu l’occasion de présenter ce projet lors d’un de ces ateliers.
La rencontre s’est conclue par une célébration liturgique et une prière pour la paix en Ukraine.
Faire fructifier les charismes
Le comité suisse de « En chemin ensemble » avait organisé cette rencontre. Ce dernier est relié à des groupes nationaux, qui font à leur tour partie du réseau œcuménique européen d’« Ensemble pour l’Europe », auquel appartiennent plus de 300 communautés et mouvements chrétiens de différentes Églises. Nicole Grochowina fait partie de l’équipe de direction au niveau européen.
« Ensemble pour l’Europe » veut relever les défis importants du continent européen afin de faire fructifier les charismes des mouvements et communautés pour le bien de l’humanité. Il comprend de multiples activités en vue de la réconciliation et de la paix, de la protection de la vie et de la création. Également pour l’engagement pour une économie juste et pour un partage solidaire avec les pauvres et les exclus, pour le bien de la famille, des villes, avec la vision d’une fraternité universelle en Europe.
Texte de l’exposé de S. Nicole Grochowina (en français)
St-Gall/Baar, le 13 mars 2022 / Evelyne Maria Graf, ad